L’esprit pionnier au service de l’excellence

La société Kernser Edelpilze GmbH a été fondée en 1995, en quelque sorte par nécessité. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ? 
A l’origine, Sepp Häcki, fondateur de la société Kernser Edelpilze GmbH, était éleveur de porcs. Il a dû cesser cette activité en 1995 en raison d’une nouvelle réglementation sur la protection des eaux. A la recherche d’alternatives, il a découvert la culture de variétés de champignons asiatiques lors d’un séminaire sur l’agriculture durable en Allemagne. Au début, la mise en place de la nouvelle entreprise s’est toutefois avérée difficile. La banque refusait d’investir dans l’entreprise, car les champignons comestibles asiatiques étaient encore inconnus en Suisse et, par voie de conséquence, les garanties nécessaires faisaient défaut. Heureusement, Sepp Häcki a trouvé un investisseur privé, de sorte que les premiers champignons nobles de Kernser Edelpilze ont pu être mis sur le marché très rapidement. 

A l’heure actuelle, Kernser Edelpilze emploie une trentaine de collaborateurs. Comment avez-vous réussi à devenir une entreprise leader dans le domaine de la production alimentaire ? 
Notre entreprise a su saisir l’opportunité qui s’offrait à elle. En 1995, les champignons nobles étaient encore largement inconnus en Suisse. Avec l’internationalisation croissante de la population, la popularité des plats asiatiques a augmenté et la demande a progressé de manière significative. Le moment était venu pour le commerce de détail de se lancer dans cette activité. Le développement de nos propres machines pour la fabrication du substrat a également été déterminant pour notre succès. Auparavant, nous devions importer de l’étranger les substrats, c’est-à-dire le terreau pour les champignons. Cependant, la qualité était très irrégulière, de sorte que les récoltes étaient parfois bonnes, parfois mauvaises. Grâce à notre propre production de substrats, nous avons pu améliorer la qualité, augmenter le volume de production et accroître notre notoriété. En 2014, nous avons reçu l’« agroPrix » récompensant l’exploitation agricole la plus innovante en Suisse. Cette distinction nous a ouvert les portes du référencement chez Migros. La même année, nous avons reçu le prix de l’innovation de la Chambre de commerce et d’industrie de Suisse centrale (IHZ), qui nous a valu la confiance des banques et des investisseurs.

Vous êtes leader sur le marché suisse des champignons nobles. Quel est le volume de production et produisez-vous exclusivement pour le marché suisse ?
Nous produisons environ 200 tonnes de champignons frais par an, mais le marché des champignons nobles reste encore aujourd’hui un marché de niche ; seuls les champignons de Paris sont consommés en grandes quantités. Notre principal client est Migros, mais nous produisons également pour la restauration. Nous ne livrons toutefois pas directement ces derniers, mais par l’intermédiaire de différents grossistes spécialisés. La production de champignons nobles représente environ la moitié de notre activité, l’autre moitié étant consacrée au commerce de substrats. Nous les produisons pour notre propre culture de champignons ainsi que pour deux entreprises partenaires suisses, l’une en Suisse romande et l’autre dans la région de Lucerne. Nous approvisionnons également le marché international et exportons des substrats vers l’Espagne, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Pologne et la Lituanie.

Comment fonctionne exactement la production de champignons nobles ?
La base de la production est constituée de matières premières sélectionnées à partir desquelles nous fabriquons le substrat. Il s’agit notamment de sciure transformée en granulés, de mélanges de céréales et de déchets issus de la production d’oléagineux tels que le tournesol ou le soja. Le substrat sert de source d’énergie au champignon pour alimenter son propre mécanisme de croissance. Le défi consiste à traiter les matières premières de manière à ce qu’elles soient parfaitement propres sous l’aspect hygiénique et offrent une composition optimale pour chaque variété de champignon. Ce n’est que lorsque la combinaison est parfaite que les spores fongiques ajoutées peuvent se développer. Pour ce faire, le substrat est pasteurisé puis refroidi afin d’atteindre la température optimale de 26 à 28 degrés pour l’ajout des spores fongiques. Les blocs de substrat ensemencés sont ensuite emballés dans un film et stockés à environ 20 degrés dans des chambres de culture. Dès que les conditions de température et d’humidité sont optimales, les spores fongiques commencent à former un réseau de micro-filaments. Celui-ci se développe et se referme pour former ce qu’on appelle le mycélium. Au cours de cette phase, le mycélium puise son énergie dans le substrat et s’étend de plus en plus. Ce n’est qu’à ce moment-là que les fructifications que nous connaissons sous le nom de champignons commencent à se développer à partir du mycélium. 

Combien de temps dure ce processus ? 
Cela varie considérablement : le champignon shiitake est celui qui nécessite le plus de temps, soit 16 à 20 semaines, avant d’avoir suffisamment colonisé le substrat pour fournir le rendement souhaité. Il existe toutefois certaines variétés de champignons qui, après seulement quatre semaines, sont déjà suffisamment développées pour être transférées dans les locaux de production. Après deux à trois semaines supplémentaires, les champignons sont prêts à être récoltés. Le climat dans les locaux de production est adapté à la phase de croissance avec 12 à 14 degrés et un taux d’humidité de 95 à 97 pour cent. De plus, nous stimulons la croissance des champignons par des mouvements ou des vibrations. Ce principe peut également être observé dans la nature, par exemple dans la forêt, où les champignons apparaissent en plus grand nombre au bord des chemins à la suite de vibrations du sol. 

Le substrat fongique joue un rôle clé dans la production de champignons. Dans ce domaine, votre entreprise est particulièrement innovante. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
La production de champignons est innovante en soi, car nous fabriquons des aliments à partir de produits recyclés. Grâce à notre longue expérience et à notre technologie de fabrication de substrats développée en interne, nous sommes des précurseurs dans ce secteur. Notre installation entièrement automatisée peut empiler et stocker jusqu’à 60 sacs de substrat par minute. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de vendre cette technologie à l’international, c’est-à-dire que nous avons installé un mélangeur en Autriche, un en Malaisie et un en Australie. En tirant les enseignements de la production dans ces pays aux conditions très diverses, nous continuons à nous développer et garantissons que nos solutions fonctionnent dans le monde entier. Notre technologie est particulièrement économe en énergie et en plastique et permet un processus de production efficace avec seulement trois ou quatre employé(e)s. 

Qu’est-ce qui fait l’excellente qualité de vos champignons ?
Le champignon est un produit ultra-frais : le matin, nous coupons et emballons les champignons, l’après-midi, ils sont déjà dans les centres de distribution et le lendemain matin, dans les rayons des détaillants. C’est un produit qui doit convaincre tant par son aspect que par son goût, et cela passe nécessairement par la qualité. Comme nous contrôlons nous-mêmes l’ensemble de la chaîne de valeur, nous sommes à même de tracer chaque composant et d’assurer la qualité la plus élevée. Toutes les étapes du processus sont standardisées et documentées. De plus, nous produisons dans des locaux climatisés, ce qui nous rend moins dépendants des conditions météorologiques que la culture en plein air. Cependant, des facteurs naturels tels que les phases lunaires ou les charges électrostatiques peuvent influencer la croissance des champignons.

Vos champignons sont produits de manière biologique et durable. De plus, la société Kernser Edelpilze est certifiée pour garantir la sécurité et le bien-être de son personnel. Pourquoi cet engagement à grande échelle est-il important pour vous ?
En tant qu’entrepreneur, nous sommes responsables de la santé et de la motivation de nos collaborateurs et collaboratrices. Grâce à notre engagement, nous créons un équilibre entre l’employeur et les employés, ce qui est très important pour nous. Nous sommes également convaincus qu’une gestion durable et axée sur le recyclage est la voie à suivre. C’est la raison pour laquelle nous avons très tôt misé sur la production biologique et les installations photovoltaïques. La durabilité a également fait l’objet d’une attention particulière lors de la construction de notre nouveau site de production : le Building Award en 2019 nous a été décerné en reconnaissance de notre utilisation des technologies les plus modernes en matière de valorisation énergétique. 

Votre entreprise a 30 ans d’histoire derrière elle, durant lesquels elle n’a cessé de se développer grâce à l’innovation et à l’amélioration continue. Que faites-vous pour que la société Kernser Edelpilze GmbH continue à se distinguer par son excellence à l’avenir ? 
Au cours des trente derniers mois, nous avons mis l’accent sur l’innovation et développé un réseau avec des hautes écoles et des universités afin d’échanger des connaissances et de réaliser de nouveaux projets. En collaboration avec la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL à Zollikofen, nous étudions par exemple comment différentes sources lumineuses, ondes acoustiques et charges électrostatiques influencent la croissance des champignons.

Dans le domaine du développement des matériaux de construction, nous collaborons avec différentes hautes écoles à Bienne, Lucerne et Stuttgart et avons fondé une start-up qui utilise le mycélium comme substitut durable à la colle dans les matériaux de construction. Notre objectif est de développer des matériaux de construction qui peuvent être recyclés, réutilisés ou compostés à la fin de leur cycle de vie.

Nous voyons également un fort potentiel dans le secteur de l’agriculture régénératrice : nous travaillons à transformer notre substrat usagé afin qu’il puisse être utilisé dans l’agriculture régénératrice et, éventuellement, fixer le CO₂ dans le sol. Les premiers essais sur le terrain montrent déjà des résultats positifs. Nous développons en permanence de nouveaux projets durables présentant un potentiel économique et poursuivons l’objectif de devenir une entreprise totalement neutre en CO₂.